Journée pédagogique au Collège Gérard Philippe à Paris 18ème

Fouzia Oukazi et Ann-Gaëlle Attias

► Retour sur l’intervention des Voix de la Paix, Jeudi 23 janvier dernier, au Collège Gérard Philippe dans le 18 ème arrondissement. Le Rabbin Ann-Gaëlle Attias, rabbin de JeM (Judaïsme en Mouvement) et Fouzia Oukazi, professeur et islamologue, deux femmes remarquables incarnant le leadership religieux au féminin, y ont débattu avec des élèves de classes de 3ème, en deux séances de deux heures chacune – ce qui a permis de bien prendre le temps de la discussion.

► Le thème était « Religion et laïcité », et, dans la mesure où nos deux intervenantes étaient des femmes, il s’y ajoutait naturellement une thématique induite autour de la légitimité des femmes en tant que figure d’une leadership sur les matières religieuses religieux ou spirituelles. Soyons honnête, et même si la capacité d’écoute respectueuse des élèves a été bonne, l’éducation est un sport de combat ! Sans retracer ici toutes les questions qui ont été posées, plusieurs grands points nous ont marqués.

► Tout d’abord il faut le dire, et contrairement à une vulgate laïciste, les élèves sont très intéressés par les questions religieuses et spirituelles. Si la société n’encourage pas leur expression, les questions – et les affirmations -- ne sont jamais loin sous la surface…

► La question de la légitimité de celui qui parle, lorsqu’il s’agit d’une femme, est indubitablement amoindrie aux yeux des enfants, musulmans en particulier. La distance critique vis-à-vis des sources de leur croyance -- exclusivement tirée des réseaux, en aucun cas ni de la télévision ni des livres--, est quasi-nulle. Ils s’insurgent lorsqu’ils entendent citer une opinion contraire à celle qu’ils ont entendue sur les réseaux ou au sein de leur famille. En cas de conflit d’opinion, la préférence est immédiatement donnée aux réseaux sociaux, et l’intervenante est sommée de justifier ses diplômes, ou de préciser, à quel islam, par exemple, elle a été élevée…Heureusement, nos intervenantes sont rompues à la subtilité, et avec un bel aplomb, poursuivent avec calme leur travail de déconstruction des opinons toutes faites.

► Une vision simplifiée de la religion, de leur religion en tout cas : le présupposé qu’il existe UNE SEULE parole juste et vraie est dans toutes les têtes, et accepter que plusieurs interprétations sont possibles est une vraie difficulté. Pour beaucoup, la notion « d’interprétation » est illégitime.

► La laïcité, surtout chez les élèves musulmans, est perçue comme offensive de la laïcité vis-à-vis des religions. L’interdiction du voile à l’école, notamment, demeure largement incomprise, et ressentie comme « stigmatisante ».

► Ce qui nous a marqué le plus, cependant, c’est la vision obsessionnelle et culpabilisante du rapport hommes / femmes développée par ces enfants deTroisième. Au nom de solides clichés sur l’irrépressible désir masculin (qui curieusement, justifie pour eux la nécessité pour une femme de ne pas « s’exhiber », de garder une apparence « modeste »), le verdict est sans appel : l’amitié est impossible entre une fille et un garçon. Elle est inexorablement vouée à « déraper », et flirte dangereusement avec le danger de « fornication » (maintes fois prononcé !).On se dit, à entendre ces discours, que certains « grands frères », ou « frères » tout court, ont réussi leur travail…

► La conclusion sera peut-être surprenante, mais malgré quelques facteurs d’inquiétude mentionnés ci-dessus, ces rencontres sont toniques, très intéressantes, et de notre point de vue de Voix de la Paix, absolument nécessaires. Certains élèves, par ailleurs, sont d’une maturité confondante, et cela est réjouissant.

Il nous faut ici remercier, pour leur courage et leur vision, Katia Bonalair, la principale du Collège Gérard Philippe, qui a fait appel aux Voix de la Paix et participé à la construction de ce projet.